Burkina Faso : « De graves menaces » sur la vie d’un journaliste
Newton Ahmed Barry est incontestablement la plume la plus acerbe au Burkina après Norbert Zongo assassiné en décembre 1998. Et cela n’est pas sans conséquence. Dans une lettre « alerte » en date du 7 août 2014, il dénonce de « graves menaces qui pèsent sur sa vie. »
Newton Ahmed Barry a sacrifié sa carrière dans l’administration publique au lendemain de l’assassinant de Norbert Zongo, journaliste d’investigation. Les autorités ont invoqué un conflit entre éleveurs et agriculteurs pour justifier la mort de Norbert Zongo. Ce dernier avait, en effet, un ranch dont les animaux dérangeraient les agriculteurs. C’est suite à cette présentation des faits que Newton Ahmed Barry a écrit une note pour dénoncer l’irresponsabilité de l’Etat en ces termes : « Si l’Etat n’est pas coupable, il est quand même responsable ». C’est ainsi que débute sa carrière dans la presse. Journaliste de formation il exerce dans la presse privée en passant par L’Indépendant, le journal de Norbert Zongo, Avec d’autres personnes il s’investit sans compter, afin que survive ce canard qui symbolise aujourd’hui le prix de la liberté d’expression et de presse au Burkina.
Il faut dire que ceux qui ont tué Norbert Zongo voulaient du même coup voir le journal disparaître.
(« Supposons aujourd’hui que »L’Indépendant » arrête définitivement de paraître pour une raison ou une autre (la mort de son directeur, son emprisonnement, l’interdiction définitive d’être publié, etc.), nous demeurons convaincus que le problème David restera posé et que tôt ou tard, il faudra le résoudre. Tôt ou tard ! » Norbert Zongo In L’Indépendant N°274 du 8 décembre 1998).
Il s’agit de la mort mystérieuse de David Ouedraogo, le chauffeur de François Compaoré le frère du président burkinabè. C’est après cette collaboration bénévole que Newton Ahmed Barry crée, avec d’autres, L’Evénement.
Sa plume acerbe dérange, indigne et le régime fait tout pour la casser. Journaliste d’investigation, Newton Ahmed Barry est depuis 2001, date de la création du journal « L’Evénement »cofondateur et responsable de la rédaction. « A ce titre, je me trouve dans le collimateur du régime burkinabè qui a multiplié les actes attentatoires à mon intégrité morale et physique. A chaque situation de crise, en raison de l’audience de notre journal, les actes de surveillance, d’intimidation et même de menace s’accroissent », fait savoir le journaliste. La même année de la création du journal, il sera accusé de traîtrise avec l’étranger après la mort mystérieuse de l’ancien ministre ivoirien Balla Keita, réfugié au Burkina Faso.
Le journaliste a été convoqué et entendu des heures durant avant d’être relâché sans suite. Le ministre de la Sécurité et le chef d’état-major de la gendarmerie l’ont accusé de « crime d’intelligence avec l’étranger » pour selon Newton Ahmed Barry « dissuader le journal L’Evénement d’enquêter sur le sujet». Depuis, les harcèlements, les intimidations, les calomnies pour tenir son image se poursuivent.
Lire l’intégralité de la note alerte ici
Le fait le plus récent est le cambriolage du siège du journal et notamment et la fouille minutieuse du bureau du journaliste. « Mon ordinateur, mon téléphone portable, une somme importante d’argent et mes dossiers ont été emportés. Les cambrioleurs n’ont rien pris dans les autres bureaux, alors qu’ils ont vu et ont déplacé des objets de valeur. Ce cambriolage est à lier à deux dossiers sensibles sur lesquels, nous menons des investigations. Il s’agit de l’affaire « Salif Nébié », juge au Conseil constitutionnel retrouvé mort mystérieusement en mai dernier et l’affaire de « l’explosion à Larlé » le 15 juillet dernier » affirme Newton Ahmed Barry.
Bien avant, en février 2014, il y a eu une intrusion nocturne à son domicile, alors qu’il était absent. Son gardien a été sérieusement blessé et a été pendant près d’un mois incapable de travailler. Le journaliste a déposé une plainte au service régional de la police judiciaire de Wemtenga (un quartier de Ouagadougou).
En mai 2014, sa voiture a été vandalisée, la vitre brisée et des effets emportés. La police de Wemtenga a procédé à un constat. Depuis le gardien, pour sa propre sécurité a démissionné. Les gardiens refusent de surveiller sa maison, parce qu’ils sont harcelés. Ce que vit ce journaliste (qu’on l’aime ou pas) est une grave atteinte à la liberté d’expression, d’opinion, à la liberté de presse bien consacrée par l’article 8 de la Constitution du Burkina Faso : « Art. 8. Les libertés d’opinion, de presse et le droit à l’information sont garantis. Toute personne a le droit d’exprimer et de diffuser ses opinions dans le cadre des lois et règlements en vigueur ». Serait-ce tout simplement des mots ?
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