Le MPP : Le fils de «l’incitation populaire massive»
Dans mon dernier billet intitulé : « Burkina Faso : va-t-on vers un combat de titans ? » je disais que les démissionnaires du congrès pour la démocratie et le progrès (CDP au pouvoir) allaient créer leur parti le 25 janvier. C’est donc chose faite. Le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), c’est le nom de ce parti « social démocrate » selon ses créateurs. L’ancien président de l’Assemblée nationale, Roch Marc Christian Kaboré en est le président. Pour porter sur les fronts baptismaux le MPP, la maison du peuple de Ouagadougou a servi de cadre. Elle était pleine comme un œuf. Je vous propose ici, l’ambiance du jour !
« Prési…, prési…, prési… ! » C’est par ces mots que la foule, telle un essaim d’abeilles, a accueilli Roch Marc Christian Kaboré. Les mêmes mots utilisés pour le raccompagner à la fin de la cérémonie. Mais l’accès à la salle n’a pas été facile pour prési. Comme on le dit, la bouche veut, mais le ventre n’en peut plus. La salle vomissait son contenu. Pourtant, femmes, hommes, vieux et jeunes tenaient coûte que coûte à rentrer dans la salle. Personne ne veut manquer à ce rendez-vous. L’accès réservé à prési était donc pris d’assaut. La diplomatie n’avait plus sa place. Prési est là. Il faut qu’il rentre. Les forces de l’ordre montent alors le ton, bousculent pour lui frayer un passage. Quand Roch a eu accès la salle, c’est avec un salve d’applaudissement qu’il a été reçu.

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Les choses sérieuses commencent. Il est 16h 20’ « Cette assemblée fait suite à la démission depuis le 4 janvier dernier de plusieurs milliers de cadres et militants du congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) à tous les échelons du parti… » a dit Clément Sawadogo, secrétaire général du parti. Des propos bien appréciés de la foule. Des cris retentissent de l’intérieur comme de l’extérieur de la salle. « Son (allusion faite au CDP) obstination à déverrouiller l’article 37 (…) et même son entêtement à vouloir installer le sénat malgré l’opposition farouche et déterminée de toutes les composantes significatives de notre peuple (…), sont les signes évidents de sa volonté de confisquer le pouvoir du peuple et d’instaurer un règne à vie et sans partage » Ces propos ont reçu également l’approbation de la foule de plus en plus électrique. On crie, hurle, saute et même confirme : « c’est ça même ! » C’est donc après une analyse « sans complaisance » de la situation politique, économique et sociale du pays que les dissidents du CDP ont décidé de la création du MPP. Ce qui fait dire que le parti est « né d’une incitation populaire massive » pour donner une réponse à « un vaste désir d’alternative et d’alternance ». Vient alors le moment qui va tuer, comme disent les jeunes. Cet instant où il faut dévoiler officiellement le nom du « bébé » (que beaucoup savaient déjà). On dira alors que l’Assemblée générale a adopté la création du parti. Sa dénomination est ainsi « le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP)… » C’est un tonnerre de cries qui résonne. L’orateur est involontairement interrompu : « MPP, MPP, MPP…. » criait ainsi la foule en transe. Clément Sawadogo retrouve la parole environs une minute après cette scène de liesse. Mais ça sera de courte durée quand il dit : « [la divise] est démocratie-égalité-progrès » La même scène précédente qui se répète. L’intéressé pour poursuivre a été obligé de tirer sur ses cordes vocales à plusieurs reprises : « arrêtez… arrêtez… » Ses efforts ont payé. Tel le vrombissement d’un essaim d’abeilles de passage, le bruit fait place au silence. Mais pas un silence absolu. Le nom du parti est désormais connu par le grand public. Mais, il est de quelle couleur ? Les gens s’impatientent. Ils veulent voir le logo. C’est un sésame précieux ! Quand enfin il est dévoilé, la scène avait son nom : la bousculade. Vieux, jeunes, femmes, hommes, chacun voulait tenir dans ses mains le logo. Inutile de vouloir distribuer au risque de se faire froisser comme un chiffon. Il faut le lancer en l’air. Les gens se sont donc jetés sur le symbole graphique du parti. L’image était semblable à celle des poussins qui accourent vers les grains qu’on vient de leur verser. Ceux qui ne pouvaient pas prendre le risque devaient se contenter de dire « Merci beaucoup » comme cette vieille femme d’environ 50 ans à qui un jeune a donné un logo. D’autres vont jusqu’à supplier pour en avoir : « mâa nè sougri wè (faut faire pardon en mooré) » prie un homme d’environ 40 ans.
L’opinion, le témoin oculaire
Roch Marc Christian Kaboré, le président du parti va livrer son message. La foule va boire ses paroles. Cela ne signifie pas la fin des vacarmes : les cris, les hurlements. Son tout premier message du parti est l’authentique. On suppose qu’il n’est pas altéré par aucun « bruit » comme on le dit dans le langage de l’infocom. Les nouvelles technologies aidant, chacun se sert de son téléphone portable pour enregistrer. Viendra un jour où on dira « prési, écoute ce que tu disais le jour de la création du parti. Ce n’est pas ce que tu fais aujourd’hui… » Bref ! Comme lui-même l’a dit, il faut prendre l’opinion à témoin. « (…), je voudrais (…) prendre à témoins l’opinion nationale et internationale pour saluer le caractère historique de l’acte que nous venons de poser » fait-il savoir. Pour le président Roch, leur « responsabilité » du jour est l’occasion d’offrir au peuple « un sursaut salvateur » qui va conduire « à l’échéance de 2015 » Roch Marc Christian Kaboré n’a pas manqué de mots pour fustiger l’élite politique dont la responsabilité serait plus engagée dans la situation nationale pour n’avoir pas tiré des leçons du passé. Il dira alors : « …c’est toujours l’élit politique arcboutée sur ses intérêts et calculs opportunistes, refusant de tirer leçon des récents mouvements sociaux que notre pays a connus qui est encore prête dans l’entêtement total, à accompagner toutes les dérives préjudiciables à la nation » « Bien dit » rétorquent certains. Roch n’avait pas la langue liée. Mais il va se la mordre d’avoir parlé. « Bien entendu et en toute objectivité, nous tenons à réaffirmer notre part de responsabilité individuelle et collective dans les insuffisances et dérives que nous dénonçons… Nous reconnaissons et assumons cette responsabilité et nous engageons à nous amender devant le peuple burkinabè » se repentit-il. « Quel sens d’humilité » estime une femme.
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