Burkina Faso : le visage hideux des prisons

8 janvier 2014

Burkina Faso : le visage hideux des prisons

A la date du 31 décembre 2012, on estimait le nombre des détenus à 4 899 dans les différentes prisons du Burkina pour une capacité d’accueil de 3 730. Ce qui donne un taux moyen d’occupation de plus de 130 %. La maison d’arrêt de Bobo Dioulasso (la capitale économique) est celle qui bat le record avec un taux d’occupation de 265 %. Nouna a le taux le plus faible à savoir 34 %. Si Nelson Mandela avait vécu dans une des prisons burkinabè, je pense qu’il n’aurait pas fait 27 ans derrière les verrous. Pour tout dire, les conditions de vie dans y sont très exécrables. 

Crédit photo: DR
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Selon le mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP), leur situation n’a pas changé au cours de l’année 2012. La promiscuité, le manque d’hygiène, la sous-alimentation, les atteintes à l’honneur et à la dignité, la maladie, la mort. C’est ainsi que le MBDHP a décrit le quotidien dans son rapport 2012 sur les droits humains au Burkina. De la promiscuité, les détenus sont cloîtrés dans des cellules de moins de 10 m2 sous un régime collectif avec un effectif variant entre 6 et 12 personnes. Issa Lohé Konaté, ne dira pas le contraire. Ce directeur de publication de L’Ouragan au Burkina a été condamné le 29 octobre 2012 lors d’un procès pour diffamation à l’encontre d’un procureur. Le 29 octobre 2013,  il finit de « porter sa croix » selon sa propre expression. Nous avons tenu à le rencontrer à domicile le 9 novembre dernier pour recueillir son témoignage.

« Nous étions tantôt 12 tantôt 15 détenus. On dormait pratiquement collés. Et le danger, c’est que vous pouvez vous retrouvez nez à nez avec un tuberculeux ou bien quelqu’un qui souffre d’hépatite de tout genre. Et quand vous arrivez, au bout de 3 à 5 jours, vous avez forcément mal aux yeux, vous avez des démangeaisons terribles dans les yeux. En plus de ça, vous dépérissez complètement. En trois jours vous pouvez perdre 5 à 10 kilos », affirme Issa Lohé Konaté.

A l’écouter, s’il n’avait pas eu le soutien de la Cour africaine de justice, il « serait mort » parce qu’à la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (Maco) où il était coffré, en plus des conditions dénoncées plus haut, « il n’y a aucun soin ». Certes, la prison dispose d’une infirmerie, mais « pratiquement vide », et « quand vous allez en consultation il n’y a pas de produits de soins ». Il faut donc compter sur la bonne volonté de certaines personnes telles que « le clergé catholique » qui de passage arrivait parfois à exonérer leur ordonnance.

Selon Issa LohéKonaté, l’Etat n’existe pas dans les prisons burkinabè parce qu’« on mélange tous les délits. Vous allez voir des voleurs de portables avec de grands criminels qui ont tué plusieurs personnes. Des gens qui ont violé,  braqué des banques. On mélange tout ce beau monde. Et parmi eux, il y a des plus jeunes qui n’ont pas leur place à ce niveau ».

Un état de fait que dénonce le MBDHP dans son rapport 2012. « Pire, les règles de séparation des prisonniers selon la catégorie et le statut ne sont pas effectives. La séparation se fait entre femmes et hommes, les mineurs de moins de 18 ans des majeurs, les prévenus des condamnés, les détenus bénéficiant d’un régime particulier des détenus soumis au régime ordinaire, les condamnés entre eux selon la division. La conséquence du non-respect de la séparation est l’insalubrité et le manque d’hygiène, le développement des maladies contagieuses, le risque élevé de la récidive qui génère le banditisme et l’insécurité », dit le rapport.

Arrestation et détention arbitraire

Il faut l’admettre, tous ceux qui sont en prisons ne sont pas forcement des délinquants. Cet aspect n’a pas échappé au MBDHP dans son rapport. Pour le mouvement des droits humains, « la lutte contre l’insécurité est demeurée le prétexte idéal pour l’arrestation et la détention de personnes de façon arbitraire et/ou abusive ». Il arrive alors que des citoyens sont détenus dans des maisons d’arrêt sur la base d’un « ordre de mise à disposition créé de toutes pièces par les magistrats du parquet et les juges d’instruction. » Au 31 décembre 2012, 53 personnes, dont 5 mineurs étaient « illégalement détenues » dans l’ensemble des maisons d’arrêt au Burkina. A cela, le rapport fait cas des militaires détenus (plus de 300) après les mutineries de 2011. Ces militaires sont en attente de leur jugement. Une attente qui a duré toute l’année 2012. Toutes les tentatives du MBDHP par rapport à cette situation auraient été vaines. Notons que depuis le 26 décembre 2013, les militaires ont commencé à comparaître devant la justice militaire.

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Commentaires

Boukari Ouédraogo
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Je suis tellement d'accord que les conditions de détentions au Burkina ne sont pas bonnes. Donc, l'on doit faire pour ne pas s'y retrouver. Seulement, tu peux être innocent et te retrouver là-bas. On parle de maison de correction. Correction dans quel sens? Dans le sens que certains délinquants qui y sont partent apprendre encore de meilleures techniques de vols. Ce qui signifie que les maisons de correction ont échoué dans leur démarches initiales... Mais quand tu vas interviewer le citoyen, il va pas comprendre pourquoi on doit bien traiter un prisonnier. Tu es d'accord non?

basidou
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Boukari, d'abord merci pour l'intérêt accordé à cet article. Je suis tout à fait d'accord avec toi. Les prisons ont échoué dans leur démarche initiale... Etant donner également la grande partie de la populations burkinabè est analphabète, le citoyen lambda ne comprend pas pourquoi on dit que le prisonnier a des droits Pourtant, par mauvaise foi de certaines personne, un innocent peut se retrouver un prison. Très dommage!!!