La vie des ‘’Etcétéras’’ du Burkina Faso

4 décembre 2013

La vie des ‘’Etcétéras’’ du Burkina Faso

Au Burkina Faso, il y a les Uns, les Autres et les Etcétéras. Les Uns sont ceux qui dépensent sans penser c’est-à-dire ceux qui sont dans l’opulence, circulent dans les grosses voitures.  Les Autres sont ceux qui pensent avant de dépenser. Eux, ils ont le minimum vital. Mais avant de dépenser ils vont des calculs à la Pythagore. Les Etcétéras sont ceux qui ne voient même pas la queue du diable encore moins la tirer. Il s’agit de ceux qu’on ne compte pas. C’est d’eux que nous allons parler dans ce billet plus particulièrement des femmes.

Ph: Basidou KindaLa vielle Zénabou vit de ce travail
Ph: Basidou Kinda
La vielle Zénabou vit de ce travail

Elles subissent une double malédiction. Femme, « tu accoucheras dans la douleur », selon ce que nous enseigne la sainte Bible. Ces femmes ont accouché dans la douleur. Homme, « tu mangeras à la sueur de ton front ». Ces femmes sont dans cette même logique. Mais qu’est-ce qu’elles ont fait au bon Dieu pour subir une telle double malédiction ? Cette question, me hante l’esprit sans pour autant trouver une réponse. Si par hasard je croisais bon Dieu dans les rues de Ouagadougou, je n’hésiterai pas un instant à lui poser la question. Bref !

Une misère ambulante

Quand on voit ces femmes, c’est la misère ambulante : des habits en loques, des chaussures trouées. Tout ce que Dieu leur a donné de façon gratuite c’est peut-être l’air qu’elles respirent sans payer et la nature où elles vont chercher leur pitance. Oui, chaque jour, dans les quartiers de Ouagadougou, elles balaient le sable où les graviers qu’elles mettent en tas. A midi, l’heure idéale pour la plupart des travailleurs de se reposer un peu, ces femmes s’activent davantage. On dit que Dieu créa le Ciel et la Terra, et tout ce qui s’en est suivi, et se reposa le 7e jour. Quel luxe pour Dieu ! Ces femmes ne connaissent pas de repos. Elles travaillent 7j/7j. La France n’aurait pas à s’évertuer à pondre un rapport sur le travail dominical si les Français travaillaient comme ces hères ici au Burkina. Ramasser le sable ou le gravier pour gagner combien ? « Entre 15.000 et 20.000 fcfa le mois. Parfois moins» confie la vielle Zénabou âgée de 65 ans. Il faut dire que leur sable n’est pas de bonne qualité car contenant plus de la terre. Par jour la vielle Zénabou dépense 150f pour sa nourriture. « A midi, j’achète du benga (haricot en mooré) à 75f je mange. Le soir je peux prendre toujours benga ou du tô au même prix. Viimi ya kanga (la vie est dure) » Causez avec une de ces Etcétéras et vous allez sentir la puanteur de leur misère montée jusqu’au visage.

Qui sont-elles ?

Sociologiquement, ce sont des femmes délaissées pour diverses raisons. Il y’en a qui ont été chassées après la mort de leur conjoint. Les frères de leur mari les mettent ainsi dehors pour hériter du bien de leur « frère » sans tenir compte des enfants du défunt. D’autres, après les avoir accusées de sorcellerie on les chasse de la cours. Pour le cas de la vielle Zénabou, elle n’a pas enfanté. A la mort de son mari en 2009, elle a été accusée de sorcellerie (on pense que c’est parce qu’elle est sorcière, elle a mangé tous ses enfants, raison pour laquelle elle n’a pas accouché) et chassée de la cours.

Quand je les vois je me demande si ces femmes font partie des 16 millions de Burkinabè. C’est quoi la politique, les élections pour ces gens ? Absolument rien ! La Sénat qui divise le peuple, l’article 37 qui interdit Blaise Compaoré (26 ans au pouvoir) de se représenter en 2015 n’ont aucun sens pour ces femmes.  Leur seule préoccupation c’est leur survie. Rongées par les péripéties de la vie, leur seul espoir c’est le bonheur qu’elles pensent trouver dans la mort (ne dit-on pas que la mort est l’absence de toute souffrance et que même ceux qui vont se suicider sont à la quête du bonheur à travers cette négation de la Vie ?).

Une fois de plus, cette misérable vie que mènent ces femmes est synonyme du non respect des droits économiques et sociaux des citoyen dont l’Etat burkinabè a l’obligation de promouvoir et de protéger.  L’Etat burkinabè, il faut le dire, est inexistant.

Partagez

Commentaires